REUT : Pourquoi est-ce si difficile en France ?

Catégorie : Pratiques

Identifiée par plusieurs professionnels comme une solution d’avenir, la REUT (réutilisation des eaux usées traitées) n’est pourtant pas généralisée dans les golfs en France. Aude Witten, directrice adjointe de l’Agence de l’eau Adour-Garonne, a expliqué pourquoi dans un entretien accordé à Golf Planète.

L’été 2022, vécu difficilement par les golfs français, a été l’occasion de reconsidérer la gestion de l’eau pour l’entretien des surfaces sportives engazonnées en France. A la question comment peut-on gérer l’eau de façon plus durable et optimiser l’eau potable, plusieurs se sont fait les partisans de la REUT. Cette technique d’irrigation visant à utiliser des eaux usées traitées est d’ailleurs l’une des trois solutions d’arrosage identifiées comme pertinentes en termes de développement durable et n’entrainant pas de conflit d’usage dans la Charte nationale Golf et Environnement. Elle est notamment utilisée en Espagne et en Israël où respectivement 15 % et 90 % des eaux usées traitées sont utilisées. En France, ce chiffre n’atteint qu’1 %. Si sur le papier la REUT constitue une solution intéressante en termes de durabilité, sa mise en place nécessite toutefois une évolution des pratiques.

Source : Réutilisation des eaux usées traitées – Le panorama français. CEREMA

Bien que le terme REUT soit de plus en plus utilisé ces derniers mois, son inscription dans la législation française remonte à plus de trente ans. En effet, c’est la loi sur l’Eau de 1992 qui prévoit pour la première fois la réutilisation des eaux usées traitées. Ceux qui s’y intéressent restent rares, ceux dont le projet aboutit encore plus. Il faut dire que le contexte n’était à l’époque pas aussi alarmant qu’aujourd’hui. « L’absence d’épisodes récurrents de sécheresse et le prix relativement bas de l’eau n’ont pas incité dans un premier temps les golfs à se lancer dans une nouvelle pratique : ils ont poursuivi leurs campagnes d’irrigation au travers de forages, de raccordement AEP ou de prélèvements des eaux de surface », explique Aude Witten, directrice-adjointe de l’agence de l’eau Adour-Garonne, dans un entretien accordé à Golf Planète. Mais depuis 2017, la donne a changé. Les épisodes de sécheresse se multiplient, leur médiatisation s’intensifie, le prix de l’eau augmente. On assiste à un changement de paradigme : « de l’eau « facile » on passe à une eau « difficile » à mobiliser à certaines périodes de l’année », ajoute-t-elle. La réutilisation des eaux usées traitées est alors de retour au premier plan.

 

Une mise en place difficile

Mais son utilisation nécessite un engagement politique durable. Une évolution des pratiques est également nécessaire avec notamment la mise en place de nouveaux équipements (traitement tertiaire des eaux usées, stockage tampon, zonage de l’irrigation en fonction des habitations alentours. La direction du golf et le personnel d’entretien des parcours doivent aussi monter en compétence. Plusieurs études doivent être menées pour assurer la viabilité du projet et monter un dossier de demande d’utilisation et le suivi d’analyses routinier. Une convention doit être réalisée avec le producteur d’eaux usées traitées. Enfin, une étude de la rentabilité du projet doit être menée car elle « n’est pas forcément avérée à l’instant T selon les investissements nécessaires et la distance entre la station d’épuration et le golf » confie la directrice-adjointe.

 

Les critères à respecter pour utiliser la REUSE :

  • Le niveau de qualité sanitaire des eaux en sortie de station doit être de qualité A pour un golf (voir image ci-dessous), avec surveillance hebdomadaire de différents paramètres
  • L’aptitude des sols évaluée lors du dépôt de dossier puis tous les 10 ans
  • Les distances minimales d’arrosage par rapport aux bâtiments (deux fois la portée des asperseurs dans le cas général) et aux zones de baignade (50 m)
  • Les conditions météorologiques locales et notamment le vent : si la vitesse moyenne du vent est inférieure à 15 km/h (20 km/h en cas d’aspersion basse pression), l’aspersion est possible. Si la vitesse du vent (mesurée par un anémomètre) est supérieure à la moyenne pendant 10 minutes, l’aspersion est automatiquement arrêtée.

 

Source : Arrêté du 2 août 2010 relatif à l’utilisation d’eaux issues du traitement d’épuration des eaux résiduaires urbaines pour l’irrigation de cultures ou d’espaces verts (modifié par Arrêté du 25 juin 2014)

Une réglementation décourageante ?

Dans son rapport publié en 2020, le CEREMA (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) affirme que différents acteurs ont indiqué avoir été découragés ou freinés dans la réalisation de leur projet par la réglementation. Ainsi, outre le cas u golf de Sainte-Maxime, dont le projet d’arrosage grâce à la REUT n’a nécessité que 3 ans d’études avant son autorisation en 2006, le CEREMA indique que « la durée de constitution d’un dossier de REUT est rarement inférieure à 5 ans. Il peut se passer jusqu’à 15 ans entre la première idée du projet et le dépôt de dossier de demande d’autorisation. » Il faut ajouter à cela le fait que le cadre réglementaire a rapidement évolué entre 2010 et 2017, ce qui a sans doute gêné certains projets.

Les choses pourraient toutefois évoluer dès juin 2023. La réglementation européenne de 2020 relative aux exigences minimales applicables à la réutilisation de l’eau à des fins agricoles doit être transposée en droit français. Cela induira forcément une refonte de l’arrêté du 2 août 2010 relatif à l’utilisation d’eaux issues du traitement d’épuration des eaux résiduaires urbaines pour l’irrigation des cultures ou d’espaces verts sans toutefois savoir si ces éventuelles modifications s’appliqueront à l’irrigation des terrains de sport. En l’état actuel des choses, la Fédération Française de Golf tente d’accompagner au maximum les golfs sur les questions de gestion de l’eau. Elle travaille également avec les pouvoirs publics pour faire évoluer la réglementation concernant la REUT. « Dans le sillage des annonces gouvernementales, des évolutions devraient voir le jour dès cette année, afin d’assouplir les possibilités d’utiliser ce qu’on appelle aussi ces « eaux grises »», a confié le directeur général de la FFG, Christophe Muniesa, à Golf Planète

 

 

Corentin RICHARD

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