Les Gazons du Qatar : entre prouesse technique et aberration écologique (1/2)

Catégorie : Actualités

Le coup d’envoi de la Coupe du Monde 2022 sera donné le dimanche 20 novembre. Pour la première fois, la compétition aura lieu au Moyen-Orient et ne se déroulera pas en plein été en raison du climat extrême du Qatar. Difficile dans ces conditions de développer des pelouses de qualité. Et pourtant, le Qatar l’a fait.

La Coupe du Monde devant le stade 974.

Comment faire pousser du gazon dans un pays désertique ? Comment maintenir la qualité de 8 pelouses dans un tel climat alors qu’elles accueilleront 64 rencontres ? L’attribution de la Coupe du Monde 2022 au Qatar le 2 décembre 2010 a suscité les interrogations : l’émirat est-il capable d’accueillir une compétition de football internationale ? Douze ans plus tard, alors que le coup d’envoi de la plus prestigieuses des compétitions approche, le Qatar semble avoir livrer ses infrastructures dans les temps. Et si les pelouses des huit stades semblent vertes et prêtes à voir les quelques 32 équipes les fouler, cela relève autant d’un incroyable exploit technique que d’une aberration écologique. Retour sur la quête du gazon parfait en plein désert.

Les infrastructures du Qatar : moins de stades pour autant de matchs 

Dépourvu d’infrastructures sportives adaptées à la tenue d’une telle compétition, le Qatar a dû employer les grands moyens pour se doter d’équipements adaptés pour accueillir les 32 équipes et les 64 rencontres prévues. Le pays compte à ce jour huit stades hôtes pour la compétition : 

  • Stade de Lusail : 80 000 places ; celui qui accueillera le match d’ouverture et la finale de la compétition 
  • Stade 974 : 40 000 places
  • Stade Khalifa international : 45 000 places
  • Stade Al-Bayt : 60 000 places
  • Stade Ahmad ben-Ali : 40 000 places
  • Stade Education City : 40 000 places
  • Stade Al-Janoub : 40 000 places
  • Stade Al Thumama : 40 000 places

Parmi eux, six ont été créés pour l’occasion. Seuls les stades de Khalifa et Ahmad ben-Ali existaient déjà et ont simplement été rénovés. A ces terrains s’ajoutent également les 136 terrains d’entraînement mis à dispositions des nations qualifiées.  

 

Le stade de Lusail (80 000 places) accueillera la finale du Mondial 2022. Source : FIFA.

A titre de comparaison, la Russie et le Brésil avaient accueilli les deux dernières éditions de la compétition avec 12 stades, l’Afrique du Sud avec 10. « Il n’y aura que 8 stades pour le tournoi, je crois qu’on n’a jamais fait moins pour une Coupe du Monde », a déclaré Steve Wilson, directeur du développement commercial mondial de Bernhard Turf Technologies en charge de la gestion du gazon pour la compétition, à nos confrères de Turf Business. Avec moins de stades, chaque terrain sera davantage sollicité, ce qui augmente la probabilité de stress du gazon. Plusieurs stades accueilleront ainsi 5 à 6 matchs en 10 jours seulement.

 

La quête du gazon parfait

Avant même son début, cette Coupe du Monde a déjà fait couler beaucoup d’encre. Parmi les principales polémiques on retrouve notamment les conditions des travailleurs et le nombre important de morts sur les chantiers. Face à cette situation, plusieurs acteurs ne sont pas restés de marbre et ont appelé au boycott. Ce fut notamment le cas de l’entreprise hollandaise Hendrick Gras, spécialiste et référence du gazon sportif, qui annonçait en mars 2021 son refus d’équiper les stades qataris avec ses pelouses. Le Qatar a dû faire par ses propres moyens pour se doter de pelouses tolérantes à un climat hostile et résistante à un rythme de jeu qui s’annonce effréné.

Ainsi, en partenariat avec le STRI (Institut anglaise de recherche sur le gazon sportif), l’Emirat lançait en 2016 un projet de recherche botanique regroupant 12 graminées différentes, dont du Bermuda, du Paspalum et du Ray-grass anglais. Importés des quatre coins du monde et notamment des Etats-Unis, les variétés ont été cultivées au centre de recherche et de développement de Murakh, près de Doha, sur d’anciennes terres agricoles. Elles ont été plantées en longues bandes ou dans des petits carrés et arrosées quotidiennement. Les chercheurs ont tenté de comprendre les réactions de chaque variété au climat local tout en étant exigeants en termes d’esthétique.

 

Quel gazon retenu pour la compétition ?

Après de nombreux tests durant plusieurs mois, le choix s’est porté sur le Platinum TE™ Paspalum d’Atlas Turf International. Cette variété issue de la graminée de saison chaude Paspalum vaginatum est très tolérante à la salinité et à la chaleur mais a tendance à souffrir lors des températures nocturnes plus douces du Qatar (entre 14 et 17°C). Un sursemis de Ray-grass anglais a été réalisé pour le tournoi afin de garantir l’aspect esthétique lors du passage des températures d’été aux températures d’hiver. Tous les terrains, que ce soit les pelouses principales ou les 136 terrains d’entrainement, ont été ensemencés avec ce mélange. En outre, tous les terrains de la compétition seront hybrides : 7 avec la technologie SISPitches et le stade de Lusail avec la technologie GrassMax.

Le Qatar a également anticipé d’éventuelles défaillances d’un terrain en cultivant l’équivalent de 40 terrains de football de gazon supplémentaire dans une ferme de 800 000 m² située au Nord de Doha ! Les organisateurs précisent qu’un terrain pourra ainsi être entièrement renouvelé et être opérationnel en 8 heures.

 

« Pour nous, c’est un défi car nous sommes dans un pays aride et désertique. On veut montrer que nous n’avons pas besoin de tout faire venir de l’extérieur. Nous sommes capables de le faire ici à Doha. Nous sommes capables de construire quelque chose qui laissera un héritage. C’est quelque chose qui restera après la Coupe du monde parce que nous avons encore besoin de planter plus d’espaces paysagers », lance Yasser Abdallah Al-Mulla, membre du comité suprême pour la livraison et l’héritage, à France 24. D’après la chaine française, les eaux utilisées pour arroser ces cultures sont issues d’une usine de traitement des eaux usées et la consommation d’eau peut aller jusqu’à 5000 m3 d’eau par jour.

 

 

La deuxième partie de l’article sur les gazons du Qatar à retrouver ICI

Corentin RICHARD

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