Biocontrôle : Où en est-on sur les terrains de sport ?
Publié le 11 avril 2025 à 07h00
Catégorie : Pratiques
Dans le contexte réglementaire de la loi Labbé, des pressions environnementales et sociétales, le biocontrôle a émergé comme une alternative aux produits phytosanitaires. Mais où en-est on concrètement aujourd’hui sur les terrains de sport ? Nous faisons le point avec Ollivier Dours.

Depuis l’instauration de la loi Labbé, le biocontrôle est devenu un des leviers de la lutte intégrée de la filière pour l’entretien des pelouses sportives professionnels. Présenté comme des intrants pouvant réduire le nombre de traitements effectués avec des produits phytopharmaceutiques conventionnels, il entre pleinement dans la trousse à pharmacie dont dispose la filière pour lutter contre les bioagresseurs inféodés aux gazons.
Qu’est-ce que le biocontrôle ?
Le biocontrôle désigne l’ensemble des méthodes de protection des plantes basées sur l’utilisation d’agents naturels (vivants ou issus du vivant ou minéraux). Il s’inscrit dans une démarche de lutte intégrée et se veut préventif.
L’article L.253-6 du CRPM (Code rural et de la pêche maritime) définit le biocontrôle comme le recours à « des agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures, qui comprennent en particulier d’une part les macro-organismes et d’autre part les produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones et des substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale ».
Selon le ministère de l’Agriculture, le biocontrôle repose sur 4 grandes familles :
- Les macro-organismes (nématodes, insectes auxiliaires, etc.)
- Les micro-organismes (champignons ou bactéries type Trichoderma ou Bacillus)
- Les médiateurs chimiques (phéromones, kairomones…)
- Les substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale
- Les substances de base dont la liste est gérée par l’ITAB (*)
Parfois confondus, les produits de biocontrôle et biostimulants n’ont pas les mêmes effets. Le biocontrôle regroupe des solutions naturelles qui sont vouées à protéger les plantes contre les maladies en agissant directement sur les agents nuisibles. Tandis que le biostimulant agit sur la plante elle-même afin de stimuler sa croissance, ses défenses immunitaires, sans effet direct sur les pathogènes. Leur usage et leur réglementation sont bien distincts, le biocontrôle dépendant de la réglementation sur les pesticides selon le règlement (CE) n° 1107/2009, les biostimulants dépendant des catégories de matières nutritives constitutives du règlement 2019/1009 du Parlement et du Conseil du 5 juin 2019 établissant les règles relatives à la mise à disposition sur le marché des fertilisants UE, modifiant les règlements (CE) n° 1069/2009 et (CE) n° 1107/2009.
Un encadrement réglementaire strict
Un produit de biocontrôle ne peut être utilisé librement. Il doit avant toute chose obtenir une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM), validé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), puis figurer dans une liste spécifique établie par le ministère de l’Agriculture.
Pour qu’un produit de biocontrôle soit homologué pour un usage sur les pelouses à vocation sportive, il doit être testé sur gazon. « Ces produits nécessitent des essais spécifiques sur gazon, encadré par les articles 51 et 53 de la réglementation phytosanitaire », explique Ollivier Dours, personne ressource détachée auprès du ministère de l’Agriculture, responsable R&D de l’AGREF.
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- L’article 51 permet d’étendre l’usage d’un produit autorisé sur une culture principale à une culture dite mineure (comme le gazon). Il faut démontrer l’efficacité du produit sur la nouvelle culture via des essais spécifiques et montrer que son usage n’est ni phytotoxique ni dangereux pour l’environnement.
- L’article 53 permet une autorisation d’urgence, valable au maximum 120 jours. Il s’applique lorsqu’aucune solution homologuée n’existe pour un usage donné. C’est le cas de nombreux produits de biocontrôle pour le gazon, encore peu enregistrés officiellement.
En résumé : sans essais validés et cadre réglementaire adapté, les gestionnaires de pelouses sportives ne peuvent pas utiliser librement ces produits. Il leur faut soit une autorisation temporaire (art.53) soit obtenir une extension d’usage (art.51) avec des essais validés sur gazon pour une AMM limitée dans le temps dont l’autorisation est renouvelée dans le cadre réglementaire.
Très peu de produits homologués sur gazon
Véritable pionnier, Ollivier Dours a homologué le tout premier produit de biocontrôle sur gazon de graminées il y a vingt ans : Trianum, développé par Koppert, contenant la souche Trichoderma harzianum T-22. Aujourd’hui, il n’existe que deux produits officiellement homologués pour les pelouses sportives :
- Trianum (Koppert)
- Mycostop (Lallemand)
Un troisième, Harmonix Turf Defense, à base de Bacillus amyloliquefaciens QST713 (Envu) avait obtenu une AMM mais a depuis été retiré du marché gazon. Il peut être encore utilisé jusqu’en décembre 2025.
Deux autres sont d’origine minérale : l’huile parafinique et le souffre vendus respectivement sous les noms de Lovell (Koppert) et Thiovit jet microbilles (Syngenta).
« Le biocontrôle n’est pas anodin. Ce sont des produits qui peuvent être dangereux, qui ont une trace environnementale et potentiellement un impact sur la santé, ils doivent donc être évaluées par l’ANSES », alerte Ollivier Dours.

« Certains surfent sur le zéro phyto »
Mis en avant comme une des rares alternatives aux produits phytosanitaires, le biocontrôle est parfois confondu avec d’autres types d’intrants d’origine naturelle, comme certains fertilisants ou supports de culture. Mais tous les produits naturels ne relèvent pas du biocontrôle. Une ambiguïté qui peut parfois être instrumentalisée.
« Certains surfent sur le zéro phyto via les matières fertilisantes et les supports de culture en présentant leurs solutions comme du biocontrôle. Ce ne sont pas des produits de biocontrôle au sens réglementaire, mais des intrants. Ils doivent respecter une AMM et une évaluation de l’ANSES, pour le cuivre c’est un oligoélément et il doit être utilisé comme tel sur gazons. Leurs caractéristiques toxicologiques et éco toxicologiques doivent être connues », met en garde Ollivier Dours. « Les produits de biocontrôle doivent être appréhendés comme des intrants. Ils doivent être jugés sur la base d’un dossier construit sur des résultats d’essais BPE (**) », insiste-il.
(*) ITAB : Institut de l’Agriculture et de l’Alimentation Biologiques dépendant de la réglementation sur les substances de base dont l’activité représente un intérêt utile à la protection des cultures au titre de l’article 23 du règlement (CE) n° 1107/2009 pour établir la liste des substances de base ayant un intérêt pour les gazons de graminées.
(**) BPE : les Bonnes Pratiques Expérimentales se rapportent au monde d’organisation des essais d’évaluation biologique et aux conditions dans lesquelles les essais sont planifiés, réalisés, contrôlés, enregistrés et exploités en vue d’obtenir des données comparables et fiables. Elles recouvrent différents aspects relatifs à la qualification du personnel, à l’emploi de matériel et d’installations appropriés, de protocoles et de modes opératoires, et à l’enregistrement des résultats par des organismes comme l’AGREF qui disposent d’un agrément BPE pour conduire ces essais spécifiquement sur gazons de graminées.