Le regard d'un médecin sur le greenkeeping et sur les produits phytopharmaceutiques

Catégorie : Pratiques

Bernard Bitbol, ex médecin, est devenu directeur du Golf de Clairis en 2016 où il apprend également l’art du greenkeeping au fil des années. Dans cette interview exclusive, il nous explique tout.

De base vous étiez dans le secteur médical, comment vous-êtes-vous formé dans le greenkeeping ?

De base, j’étais déjà sensible et intéressé par la nature et les plantes. Par rapport au gazon, je ne connaissais quasiment rien. J’allais sur les salons en écoutant tous les discours en prenant tous les avis différents pour me former. En ce qui concerne la chimie des plantes, je n’ai pas eu de problème de ce côté-là en raison de ma formation en médecine.

Le contact avec les personnes de ce milieu a été très formateur. J’avais d’ailleurs rencontré Olivier Gerber, du golf de Bethemont, qui est venu pour faire un tour du parcours et il m’a expliqué en deux heures tout ce que je devais faire sur les années suivantesSi j’avais eu la formation j’aurais gagné du temps et de l’argent. Sur le moment, je n’avais rien compris donc j’avais tout noté. J’ai mis deux ans pour comprendre et intégrer tout ce qu’il m’avait conseillé.

Enfin, je jouais également au golf depuis 30 ans, ce qui m’a permis d’avoir un pied dans le milieu.

Quels changements importants avez-vous mis en place sur le parcours depuis vos prises de fonction de directeur en 2016 ?

La chose principale que j’ai mise en place concerne le sursemis : j’ai réengazonné les fairways et j’ai fait deux engazonnements par an des greens.A part au niveau esthétique, les résultats ne sont pas tout de suite visibles car l’enracinement n’est pas encore fait. Les racines ne sont pas encore assez profondes et notre sol est argileux.Nous avons fait du shaping, c’est-à-dire modeler quelques trous pour faire face aux problèmes d’eau à cause de l’excès d’argile. Nous avons également refait le système de drainage en posant des drains car j’ai fini par comprendre comment le terrain s’engorgeait pour pouvoir mettre en place ces opérations.

Avez-vous réalisé ces travaux vous-même ou ce sont des prestataires qui les ont effectués ?

A part le shaping, qui a été réalisé par une société externe, nous avons réalisé toutes les opérations en interne telles que les sablages ou les regarnissages.Au niveau des équipes, nous avons gardé des salariés mais nous avons revu certaines manières de travailler.

Est-ce que certaines choses vous ont surprises ?

Ce qui m’a étonné c’est la fragilité de certaines zones même si elles vont bien. Par exemple, un green dans un état parfait peut être complètement dégradé à cause d’un “simple” changement de météo, d’un produit mal dilué, d’une machine mal réglée ou d’un sable de moins bonne qualité. Ça remet tout en question. 48h après, tu peux te retrouver à zéro alors que tu étais à cent. C’est surprenant. C’est rare de voir un métier où en un clin d’œil tout peut basculer.Une autre chose m’a également surprise. Nous avons 9 greens en terre et 9 greens en sable et paradoxalement ce sont ceux qui sont en sable qui sont plus riches en matières organiques. J’ai mis du temps à comprendre que c’est la chimie du sol qui agit et encore aujourd’hui je ne suis pas encore assez pointu là-dessus.

Quelle est votre implication avec les travaux mécaniques ?

Effectivement, nous en mettons de plus en plus en place. Le même Olivier Gerber m’avait parlé à l’époque du Shockwave dont j’avais écorché le nom. C’était vraiment la machine qu’il nous fallait pour couper les fairways et les remuer sur un sol argileux comme le nôtre. Nous avons vraiment vu la différence au niveau des résultats mais il faut du temps pour réaliser cette opération.

L’autre problème que l’on a également avec le sol argileux c’est les turricules des vers de terre, le trèfle et le pissenlit. Nous avons acheté le Verti-Rake Pro pour nous débarrasser de cela sans avoir recours à des produits. Depuis le début je prenais cette direction sans savoir que cela allait être capital d’ici quelques années avec la Loi Labbé.

Pensez-vous qu’il sera possible d’avoir des golfs “0 phyto” ?

Si je parle en tant que médecin, dans le secteur médical on ne pourrait pas se passer de produits super forts et super efficaces. Je ne vois pas pourquoi il en serait de même pour les maladies des plantes et pour le gazon. Alors oui, ce n’est pas la même gravité mais si je reparle de ce que nous disions tout à l’heure lorsque que l’on fait des mois de travaux et qu’en 48h tout peut basculer, c’est regrettable de perdre ce que l’on a fait durant tout ce temps. Je pense que l’on va garder l’usage de certains produits sur certaines zones très spécifiques. On doit tous tendre dans notre esprit à ne pas utiliser de produit et je suis content lorsque je n’en utilise pas mais dans certains cas il le faut. On ne peut pas faire que du préventif. C’est comme en médecine on peut faire du préventif , mais on aura toujours besoin d’une trousse d’urgence. Ici, je pense que c’est à peu près pareil. Il faut être raisonnable sur l’utilisation des produits.

Vous qui venez d’un secteur où la formation est très présente, comment pensez-vous qu’il faudrait améliorer celle du secteur du greenkeeping ?

Je pense, à l’image de certiphyto, qu’il faut faire des tests tous les deux ou trois ans, et si ça ne va pas on réapprend sur cette partie là. Il faut une formation continue mais pas une certification où c’est “blanc” ou “noir” à la fin.

Que mettriez-vous au premier plan de cette formation ?

Je parle en fonction des greenkeepers que je connais ou que j’ai rencontrés, je leur apprendrai déjà la rigueur universitaire, c’est-à-dire de faire un bon travail jusqu’au bout. Par exemple, la personne peut tondre les greens à la perfection mais va oublier d’enlever les déchets. Et c’est ce que le golfeur va retenir même si le green est bien entretenu. Il faut aller au bout de chaque action. C’est ça la rigueur.Au niveau des connaissances, je dirai les travaux mécaniques pour diminuer les maladies et d’autres problèmes. C’est l’avenir de notre métier.

redaction.gsph24atprofieldevents.com (Lucas Sanseverino)

Rédaction GSPH24

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