Sécheresse et gestion de l’eau : La filière Gazon Sport Pro envisage l’avenir

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Alors que la filière Gazon Sport Pro est pointée du doigt, la LFP, la LNR, la FFG et France Galop ont rappelé l’importance de l’arrosage dans leur discipline et les solutions envisagées concernant la gestion de l’eau.

La sécheresse récente a mis un coup de projecteurs sur la gestion de l’eau et de l’arrosage des pelouses sportives professionnelles. Face à cette pression médiatique, plus ou moins forte selon les disciplines, la filière rappelle les enjeux de l’arrosage pour leurs pratiques et les solutions envisagées pour l’avenir.

Les gazons sportifs professionnels sous le feu des projecteurs

Le golf est sans doute la discipline la plus pointée du doigt dans les médias. Certains militants écologistes sont passés aux actes en vandalisant des greens de golf. Le président de la FFG, Pascal Grizot, multiplie les prises de parole pour défendre la filière golfique et rectifier les chiffres énoncés par certains. Dans un communiqué paru sur le site de la fédération, il informe que « la consommation nationale moyenne annuelle d’eau d’un golf est de 25 000 m3 par an et par tranche de 9 trous ». Il rappelle également qu’en cas de sécheresse, seuls les greens, qui ne représentent qu’1 à 2 % de la surface d’un golf, sont arrosés. Enfin, il précise les enjeux du maintien de l’arrosage des greens : le maintien d’une filière économique qui pèse plus d’1 milliards d’euros en France et représente 15 000 emplois. « La mort des greens en période estivale conduit à une fermeture de la structure et une perte d’exploitation pendant 6 mois », précise-t-il. Une fermeture à laquelle s’ajouteraient des coûts de remise en état.

S’il est moins dans l’œil du cyclone que le golf, le football français se sait observé sur les questions environnementales. L’enjeu est également vital pour le football professionnel, son activité dépendant des terrains. Un maintien de la qualité de ces derniers est primordial. Qu’il s’agisse du football ou du rugby, la qualité de la pelouse peut nuire à la sécurité et à la santé des acteurs du jeu. La LFP érige la sécurité des joueurs et des officiels en priorité absolue, la dimension esthétique passant au second plan.

Pour le rugby, la pression médiatique se fait moins sentir. « Le fait que les championnats n’aient pas encore repris fait qu’aujourd’hui on parle très peu du rugby. La LNR a pris contact avec l’ensemble des clubs au cours de l’été afin de rappeler les bonnes pratiques d’arrosage raisonné permettant à minima d’assurer une continuité dans la qualité des terrains et intrinsèquement la sécurité des joueurs au moment de la reprise. La reprise plus tardive des championnats permet également de limiter les contraintes terrains l’été. La pression médiatique existe pour toutes les disciplines professionnelles, elle est juste moindre pour le rugby du fait de la reprise tardive des compétitions qui limite l’exposition sur la période la plus chaude », explique un membre de la LNR. Une pression médiatique à géométrie variable qui s’explique, selon Gérard Rougier, notamment par « tout l’imaginaire » qui entoure la filière golfique. « Nous sommes engagés pour l’environnement et la biodiversité. On travaille sur nos défauts. Nous allons essayer de communiquer le plus possible sur la vérité et la réalité de notre activité d’entretien des espaces golfiques. Nous avons un effort à faire en termes de pédagogie et d’explications », indique-t-il.

Concernant les hippodromes « ultra météo-dépendants », l’enjeu du bien-être animal entre également en compte lorsqu’il est question d’arrosage. « L’eau dans les hippodromes a une double fonction : d’abord agronomique pour le maintien du gazon, mais aussi sur le bien-être animal en jouant sur la souplesse de la surface. Les chevaux ne doivent pas galoper sur un sol trop dur », explique Marin Le Cour Grandmaison, responsable du site d’exploitation de Chantilly chez France Galop.

Une filière qui tend vers l’arrosage raisonné

La filière n’a pas attendu cette médiatisation pour prendre conscience des enjeux environnementaux liés à l’eau. La sécheresse a eu un impact non-négligeable. Dans ce contexte particulier, la LFP a de son côté pris la décision de suspendre le championnat des pelouses afin de décharger les clubs et les personnels d’entretien des pelouses d’une pression. Mais plus qu’un éveil des consciences, l’épisode sécheresse 2022 a surtout mis les acteurs de la filière face à l’urgence de trouver des solutions.

La LFP veut passer à la vitesse supérieure pour faire de la gestion de l’eau un sujet central. Un volet « gestion de l’eau » est d’ailleurs présent depuis plusieurs saisons au sein du dispositif Licence Club qui a pour but d’accompagner les clubs dans leur développement, avec en contrepartie de l’obtention de la Licence, une redistribution d’une part des droits télévisuels. La gestion de la pelouse y occupe une place primordiale. Un critère relatif à la consommation d’eau était déjà présent dans ce dispositif. Il a évolué cette année : les clubs doivent désormais attester des dispositifs mis en place dans une logique de gestion raisonnée de l’eau. De manière générale, la LFP veut pousser les clubs à obtenir le meilleur tout en restant raisonnable.

De son côté, la LNR mène depuis plusieurs années des réflexions sur la gestion de l’eau. Cette dernière a notamment été au cœur des discussions lors des séminaires terrain organisés avec les clubs. Une nouvelle stratégie terrain est en cours d’élaboration. Si elle n’est pas spécifiquement centrée sur l’eau, sa gestion en est toutefois un des thèmes principaux. « Elle est basée sur deux axes : un axe de performance déjà existant prenant en compte le comportement biomécanique des surfaces avec des analyses scientifiques des terrains et un axe basé sur la mise en place de deux référentiels. Un pour les terrains naturels/naturels renforcés et un pour les terrains artificiels. Ces référentiels sont des guides de gestion écologique des terrains. Sur la base de ces référentiels, un des thèmes est la gestion de l’eau. L’idée est de mettre en place une certification pour les prochaines saisons afin d’accompagner les clubs vers cette transition écologique », confie un membre de la LNR.

Pour les filières golfique et hippique, des pistes d’avenir concrètes sont à l’étude et, parfois, déjà appliquées. L’hippodrome de Chantilly est par exemple passé au bio depuis 3 ans. « Nous réalisons beaucoup de travaux mécaniques qui nous permettent d’avoir un gazon avec un système racinaire important qui va chercher les nutriments et l’eau en profondeur. Notre nouveau système d’arrosage autorise une gestion arroseurs par arroseurs. Nous avons ainsi des arrosages plus efficients », confie Marin Le Cour Grandmaison. En 2021, année pluvieuse, la consommation annuelle d’eau de l’hippodrome s’élevait à 33 000 m3. Sur les 10 dernières années, la consommation moyenne annuelle est de 54 000 m3. En 2023, une grande étude sur la recherche de solutions alternatives relatives à la gestion de l’eau va être menée à Chantilly. « L’idée est de moins pomper dans le forage. Plusieurs solutions sont à l’étude : utilisation de l’eau de station d’épuration, création de bassins de captation », ajoute le directeur d’exploitation de l’hippodrome.

Ces pistes sont également des alternatives envisagées par le golf. Pour plusieurs greenkeepers, l’avenir passe par l’utilisation des eaux recyclées, le « Reuse » ou « Réut » en français. La FFG s’était déjà penchée sur le sujet il y a 5 ans mais s’était heurtée aux coûts de retraitement de l’eau et à sa qualité. « Aujourd’hui, les normes qualitatives de retraitement de l’eau sont tellement hautes que c’est très cher de recycler de l’eau. Il faudra peut-être trouver des accords avec des entreprises qui utilisent de l’eau », lance Gérard Rougier. Outre le « Reuse », l’implantation de graminées plus résistantes et moins consommatrices d’eau et de produits phytosanitaires ainsi que la récupération des eaux de pluie ou des eaux de ruissellement sont considérées comme des solutions d’avenir. Quoi qu’il en soit, pour Gérard Rougier, « les solutions environnementales passeront par la recherche ». Un centre de recherche sur les volets phytosanitaires et gestion de l’eau devrait bientôt voir le jour. « Nous ne pouvons pas aborder les problématiques du Zéro Phyto sans parler de l’eau », conclut-il.

La loi Labbé et l’interdiction programmée des produits phytosanitaires en 2025 avaient été l’occasion pour toute la filière gazon sport pro de se réunir pour échanger sur l’avenir. Les discussions continuent et seront naturellement amenées à évoquer la gestion raisonnée de l’eau.

Corentin RICHARD

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