Mallemort : Petit village, pelouse d’élite

Catégorie : Pratiques

La ville de Mallemort a l’habitude d’accueillir des équipes internationales pour des camps de base ou des matchs amicaux. Les projecteurs sont braqués sur le terrain lors du tournoi Maurice Revello. Mais comment un petit village d’à peine 6000 habitants arrive-t-il à fournir une pelouse d’élite ? La réponse avec Éric Gilles, préposé à l’entretien du terrain.

Le mois de juin est l’occasion de mettre un coup de projecteurs sur Mallemort, un petit village des Bouches-du-Rhône de près de 6000 habitants qui présente une pelouse digne du haut niveau à l’occasion du tournoi Maurice Revello. Anciennement appelé Tournoi de Toulon, cette compétition réunit plusieurs sélections internationales U19, dont la France. Les rencontres sont dispatchées sur plusieurs terrains (Aubagne, Fos-sur-Mer, Salon-de-Provence, Vitrolles, Arles notamment). Mallemort en a accueilli 4 cette année, et a également été le camp de base du Venezuela. Une jolie mise en lumière pour le travail du passionné Éric Gilles, préposé à l’entretien des terrains de sport à la mairie de Mallemort.

« Pour un petit village, nous arrivons vraiment à faire du très bon travail et à fournir une pelouse reconnue », lance-t-il. Chaque année, lors du tournoi, les nombreux recruteurs présents en tribunes sont surpris par la qualité du gazon. Une reconnaissance qui valorise le travail d’Éric Gilles depuis de nombreuses années, tout comme la confiance que lui ont accordé par le passé des clubs professionnels ou des sélections nationales pour disputer des matchs amicaux, comme nous l’indique le principal intéressé : « Nous avons accueilli beaucoup d’équipes, de tout niveau. Que ce soient les matchs amicaux, les stages de préparation en catastrophe. Nous avons notamment accueilli Istres-Los Angeles Galaxy, Togo-Bénin ou encore Saint-Etienne-Ajaccio. »

 

Les Bleus et l’Autriche en camp de base

La création du stade de Mallemort remonte à l’année 1992, dans la foulée de la construction du golf de Pont Royal, situé à 4 km. En 1998, l’infrastructure accueille durant trois jours l’Equipe de France avant son entrée en lice dans la Coupe du monde face à l’Afrique du Sud au Vélodrome. 18 ans plus tard, Mallemort accueille une autre délégation internationale à l’occasion de l’Euro 2016 : l’Autriche. A cette occasion, d’important travaux sont réalisés pour mettre toutes les infrastructures aux normes. « J’avais déjà un super système de drains naturels. Mais en 2016, ils ont refait un système avec des tranchées. Toutes les structures ont été mises aux normes, nous avons reçu des buts amovibles… Nous avons un bel outil ! », lance-t-il.

Au-delà de l’aspect matériel et structurel, cet événement a permis à Eric Gilles de monter en compétence sous les conseils avisés du superviseur de l’UEFA, Aidan O’Hara, qui a notamment superviser l’intégralité des pelouses pour la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud. Tonte au cordeau à la simplex, fabrication de râteau à adventices, fertilisation à la main et étalonnage à l’aide de cônes… Les enseignements ont été nombreux et ont marqué le groundsman.

Outre cette expérience inoubliable, Éric Gilles se perfectionne aux contacts d’autres professionnels. Depuis 6 ans, il est jardinier au Nîmes Olympique les soirs de match. Il a également pu prêter main forte les jours de match à Strasbourg, Saint-Etienne, Lyon, Marseille… « Cela me permet de vivre des expériences sur des stades de Ligue 1/Ligue 2 et de parfaire ma formation », ajoute-t-il. Tous les enseignements qu’Éric Gilles acquiert, il les applique à Mallemort, pour un résultat plus que concluant.

Match amicaux et camp de base

Malheureusement pour la ville de Mallemort, le club résident n’a plus d’équipe sénior. Le terrain d’honneur n’accueille généralement qu’un match à 11 par mois en moyenne. « L’avantage de ne pas avoir de club résident ou de scolaire, c’est que je suis libre pour entretenir le terrain », avoue le jardinier. Cela lui laisse une amplitude certaine, comme à l’été 2022, lors duquel il décide de laisser sa pelouse infestée d’agrostides des chiens griller pour repartir sur des bases plus saines. Après le dernier match amical qui a eu lieu le 15 juillet, l’arrosage a été totalement coupé pendant 2 mois. Le terrain a grillé, puis a été scarifié à 10 reprises en septembre. 15 remorques de déchets plus tard, une entreprise externe l’a carotté, sablé (60 tonnes de sables apportées) et regarnis. A cette occasion, Éric Gilles décide de changer de graminées et de semer un mélange de trois variétés : Ray-grass anglais (10 %), paturin des prés (20 %) et fétuque élevée (70 %). « Nous utilisons ce mélange en raison de la pression maladie. Le paturin des prés craint moins les maladies, tandis que le Ray-grass s’implante rapidement. Avec des conditions ultra-favorables, le paturin a même levé en même temps que le Ray-grass. 60 jours plus tard, un match amical se jouait », indique-t-il.

 

« Ce n’est pas un stade d’élite que l’on offre juste pour 4 semaines. Le terrain est jouable et prêt toute l’année »

 

Malgré l’absence de club référent et la faible fréquentation hors période estivale, le groundsman s’occupe de son pré vert comme s’il était utilisé toutes les semaines. « Je ne laisse jamais le terrain en jachère lors des périodes creuses. Il y aura toujours des tontes entre 25 et 30 mm, l’arrosage, la fertilisation. Ce n’est pas un stade d’élite que l’on offre juste pour 4 semaines. Le terrain est jouable et prêt toute l’année », précise Éric Gilles. Cela permet à la pelouse d’être opérationnelle au cas où certaines équipes chercheraient un terrain de repli d’une grande qualité à la dernière minute. Lors des périodes de stage, l’équipe est renforcée pour offrir un entretien de qualité. « J’ai la chance d’avoir une équipe de travail très performante lors des périodes de stage avec Julien, Stephan, Nicolas, Jean Michel et Saïd », nous confie-t-il.

Tous les mois, le terrain est scarifié. Il subit en plus une aération à lames tous les 15 jours et est regarni 3 fois par an. Tous les deux ans, Éric Gilles réalise une analyse de sol et adapte son plan de fertilisation en fonction des résultats et des connaissances qu’il a de son sol. Il privilégie les engrais liquides (70 % du plan de fertilisation aux engrais solides (30 %). « Pour le liquide, étant donné que nous avons un pulvérisateur, nous pouvons l’appliquer quand nous le souhaitons. Quant au solide, moins nous mettons d’azote, mois nous avons de pression de maladies dans le Sud de la France. Nous compensons avec des améliorateurs de sol », précise-t-il. Concernant la gestion des adventices, le groundsman est contraint de faire un sélectif par an pour éliminer le trèfle, dont le désherbage manuel est particulièrement laborieux.

 

Journée type lorsqu’une équipe est en camp de base

  • Arrivée 6h : double tonte dans les deux sens et passage du souffleur pour évacuer les déchets si nécessaire.
  • 5 minutes d’arrosage
  • Traçage une fois par semaine.
  • Echange avec le staff technique : savoir ce qui est prévu dans la séance et les zones à privilégier pour travailler
  • Tonte après l’entrainement

En dépit de l’absence d’un club professionnel résident, l’entretien du stade de Mallemort, sous la houlette d’Éric Gilles, permet à la ville d’offrir un cadre élite. Nul doute qu’une fois de plus, plusieurs clubs professionnels viendront fouler la pelouse avant la reprise de la prochaine saison.

 

Corentin RICHARD

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