Le Golf National expérimente des greens et départs plus "durables"

Catégorie : Recherche & innovation

A la recherche de surfaces de jeu « durables » plus économes en eau et en intrants, le Golf National a décidé de tester la culture de graminées de golf sur un substrat inspiré des « lasagnes » utilisées en permaculture. L’essai a démarré ce printemps et les premiers résultats semblent encourageants.

Depuis 2010, au travers de la Charte nationale « Golf & environnement », la Fédération Française de Golf, les gestionnaires de golf et les ministères en charge de l’Agriculture, de l’Écologie et des Sports se sont engagés dans une démarche de préservation quantitative et qualitative de la ressource en eau, de préservation de la biodiversité et de développement durable. Par ailleurs, au 1er janvier 2025, tous les produits phytosanitaires de synthèse seront interdits sur les golfs (à l’exception de ceux inscrits sur une liste établie par les ministères des sports et de l’Environnement). Or, la conception actuelle des greens, avec une sous-couche de gravier drainante et un mélange tourbe-sable en 10/90, est un modèle « sous perfusion » qui nécessite des apports d’engrais fréquents et un arrosage régulier pour maintenir les graminées en vie.

Dans ce contexte, le Golf National de Guyancourt mène une réflexion sur la création de « greens et départs plus durables dès leur conception » en testant la pertinence de la culture sur lasagnes pour ces surfaces. Comme nous l’a expliqué Arthur Lecomte, le responsable Paysage & Environnement du golf, l’idée a germé après la réussite d’un essai de maraîchage en lasagnes effectué au sein du golf.

La culture du gazon sur lasagnes

La culture sur lasagnes, fréquemment utilisée en permaculture, repose sur l’empilement en alternance de couches de matières organiques vertes (humides et plutôt azotées) et brunes (plutôt sèches et riches en carbone). D’où son nom ! Le substrat ainsi créé présente une bonne réserve d’eau, une mise à disposition progressive des nutriments et un équilibre écologique important limitant le développement de pathogènes. Ces atouts observés en maraîchage seront-ils conservés au niveau des greens ?

Au printemps 2021, trois buttes de lasagnes de 50 m² ont été mises en place sur le golf national à partir des déchets végétaux produits par les espaces verts du site. Les lasagnes se composent, de bas en haut, d’une couche de gros bois mort, d’une couche de branches et brindilles mortes, d’une couche de feuilles et tonte de gazon, d’une couche de terre végétale et d’une nouvelle couche d’herbe et de feuilles et aiguilles de résineux. Le tout est surmonté d’un géotextile avec un maillage permettant la circulation des microorganismes et les échanges de nutriment. Le géotextile est recouvert d’un mélange sable tourbe blonde sur lequel a été réalisé le semis de graminées à l’hiver 2021

 

Différentes modalités ont été testées :
Deux épaisseurs de mélange sable-tourbe : 15 cm et 25 cm
Trois mélanges de semences : Agrostide stolonifère pure, Agrostide capillaire/Fétuque rouge demi-traçante/Fétuque rouge gazonnante (20/40/40) et Fétuque rouge demi-traçante/Fétuque rouge gazonnante/Ray-grass anglais (25/25/50)
Avec ou sans ensemencement par Trichoderma dite « TRB », une souche sélectionnée et brevetée par les laboratoires Biophytech , spécialisés en écologie microbienne des sols.

Dans l’objectif d’évaluer la réponse des différents complexes au stress hydrique, l’arrosage a été stoppé début mai sur l’ensemble des buttes (il a été redémarré le 11 juillet sur les deux surfaces ayant particulièrement souffert de la chaleur et d’attaques pathogènes). L’entretien est en outre en Zéro intrants et se limite à deux tontes à 19 mm par semaine.

Un suivi exhaustif des plantes et du sol

Le suivi des résultats est assuré par Stéphane Bazot, professeur et Lisa Le-Moller stagiaire Master 2 Ingénierie écologique au laboratoire Écologie Systématique Évolution (ESE) de l’Université Paris-Saclay. Il comprend côté plantes la mesure de la biomasse foliaire produite (estimée lors des tontes) et l’analyse de l’état sanitaire des gazons par l’estimation des teneurs en chlorophylle et en flavonols des couverts végétaux. Côté sol, un suivi de la teneur en eau est réalisé grâce à des sondes ThetaProbe ML3 et son statut nutritif sera analysé au cours de la saison de végétation à partir de carottes de sol. Enfin, l’activité biologique du sol sera estimée par mesure du flux de CO2 respiré par le sol avec un système fermé de type PP System.

L’entreprise Biophytech se charge, elle, du suivi de l’efficacité éventuelle des Trichoderma, en particulier au travers du comptage des spores par Iry Andrianjara, une docteure employée par Biophytech. Des photos terrains soumises à un traitement d’images par un logiciel développé par Biophytech permettent en outre de déterminer les taux de couverture de la végétation et de quantifier ainsi précisément les taux de germination, de croissance et de protection éventuelle des gazons par les Trichoderma (fréquence et intensité des attaques).

Des résultats encourageants

Sur ces photos prises le 18 juillet (en pleine épisode de canicule), on constate que deux des trois buttes d’expérimentation (à gauche) ont un couvert végétal très disparate. Cela s’explique par une attaque importante de maladie courant juin. En revanche, la surface située à proximité de la zone de maraîchage (celle de droite) a pour sa part bien résisté.

 

 

La butte jouxtant la zone de maraichage montre une meilleure couverture de la végétation sur l’épaisseur 15 cm de sable (à droite) que sur 25 cm (à gauche) et une bonne résistance de tous les mélanges au stress hydrique.

Stéphane Bazot confirme que la modalité « 15 cm de sable sur lasagnes » présente une humidité supérieure au green témoin et à l’épaisseur 25 cm. Cette modalité offre également une meilleure germination des graines et une croissance plus forte du gazon. En outre, les teneurs en chlorophylle et flavonols mesurée dans les différentes modalités indiquent que les gazons poussant sur 15 cm de sable sont plus sains et donc moins impactés par le stress hydrique estival. La teneur en flavonols, bon indicateur du niveau de stress des plantes, semble par ailleurs montrer que le gazon poussant sur les buttes de permaculture tend à être moins stressé que celui d’un green classique. Néanmoins, la tonte plus basse réalisée sur ce dernier pourrait être à l’origine d’un tel résultat. La poursuite des expérimentations – avec une baisse du niveau de tonte sur les buttes – devrait permettre de répondre à cette interrogation.

Concernant la bonne résistance aux maladies du bloc situé près de la zone de maraîchage, l’une des explications possibles est que cette lasagne a été mise en place deux mois avant les autres : plus « mature », elle pourrait avoir un meilleur équilibre de populations microbiennes, lui conférant une plus grande résistance aux attaques. C’est à confirmer avec l’analyse des populations microbiennes.

Côté Trichoderma, Biophytech n’a pour l’instant constaté aucune différence significative entre les gazons ensemencés et les autres, et ce malgré une bonne colonisation de la niche écologique par les Trichoderma. Ce résultat n’est, à ce stade, pas incohérent avec les connaissances précédemment acquises par Biophytech sur les effets de Trichoderma : un temps de latence précède classiquement le développement d’effets observables.

La surface du bloc « sain » a par ailleurs été testée par les jeunes golfeurs du Centre national de formation de la FFG présents sur place. Leurs retours sont globalement bons, même si la surface est une peu plus « molle » que sur des départs classiques.

Si ces premiers résultats doivent être confirmés dans le temps, Arthur Lecomte estime pour sa part que « ces débuts sont encourageants : cette surface qui n’a reçu aucun arrosage et aucun intrant est aujourd’hui au moins aussi convaincante que les départs du golf gérés classiquement. » Cette expérimentation est soutenue par la FFG, à la recherche de solutions pour rendre les golfs plus durables. Ce modèle, s’il est validé, pourrait être utilisé dans la cadre de la reconstruction à venir du parcours de l’Oiselet, fortement impacté par le prolongement futur de la ligne 18 du métro parisien. L’occasion de partir sur de nouvelles bases !

Rédaction GSPH24

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