Greenkeeper français à l’étranger : Un Français file à Augusta

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Le jeune Simon Wattier a terminé à la 4e place du prestigieux concours des greenkeepers américains (GCSAA). Il achèvera son cursus avec une magnifique expérience du côté du golf Augusta National, une des références dans le monde.

Pouvez-vous vous présenter (âge, cursus, etc) ?

Bonjour à tous, je m’appelle Simon Wattier, je viens de Paris, j’ai 22 ans et je suis en dernière année d’étude de sciences agronomiques spécialisées sur les terrains de golf à l’Université de Penn State aux Etats-Unis.

 

Quel est votre parcours ?

J’ai toujours apprécié voyager et j’ai eu la chance d’avoir pu concilier voyages et travail dans ma jeune carrière. Après avoir décroché mon bac scientifique au Lycée Marlioz à Aix les Bains, j’ai décidé de partir en Suisse en tant que greenkeeper saisonnier au Golf du Domaine Imperial. Après 10 mois en Suisse, il était temps pour moi de partir améliorer mon anglais à l’étranger. J’ai eu l’opportunité d’aller à Adare Manor en Irlande ; un golf qui accueillera la Ryder Cup en 2027 ! À ce jour, je considère encore Adare comme le golf où je suis tombé amoureux du greenkeeping et j’ai eu la chance de m’entourer d’amis et de mentor qui m’ont poussé à me dépasser chaque jour.

Nous avons aussi eu la chance d’avoir le JP McManus Pro-Am où j’ai pu voir et comprendre le processus agronomique pour préparer un tournoi professionnel. J’ai eu la chance de rencontrer Tiger Woods, Jon Rahm, Dustin Johnson et plein d’autres pendant cette semaine ! Une fois mon temps en Irlande terminé, j’ai décidé d’aller au Portugal sur une construction de parcours à Costa Terra Golf & Ocean où je suis resté 6 mois. C’était vraiment intéressant de voir les étapes et le déroulement d’une construction. Après ces 3 ans d’expérience en Europe, je me sentais prêt pour la prochaine étape, un diplôme agronomique aux USA.

 

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Pourquoi avoir rejoint les Etats-Unis ?

Il faut savoir que j’ai eu la chance d’avoir un grand frère Nathan Wattier qui m’a ouvert la voie en faisant ses études aux Etats-Unis. Il m’a dit que des bonnes choses des États-Unis et m’a vraiment poussé à faire la même chose et je ne le remercierai jamais assez pour ça.

Mais pourquoi les Etats-Unis ? Tout simplement pour avoir la meilleure éducation possible. Le fait que le golf soit tellement populaire ici oblige les Superintendant et Universités à suivre le rythme. Beaucoup de recherches, d’expériences et de cultivation de graminées se font ici à Penn State. Nous sommes les numéros 1 et chaque élève qui entre dans le programme est pratiquement garanti de décrocher un travail dans un des meilleurs golfs au monde après le diplôme, c’est génial.

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur le concours de l’Association des Greenkeepers Américains (GCSAA) ? Quels sentiments vous a procuré votre très bon classement ?

GCSAA est une association américaine qui a pour but de développer, promouvoir et aider toutes personnes travaillant dans le monde de l’agronomie dans le golf. Que ce soient des professionnels, étudiants, vendeurs où même professeurs, tout le monde fait partie de l’association. Beaucoup de ressources sont mises à notre disposition en tant que membre pour nous aider dans tous les domaines de notre profession.

Tous les ans, GCSAA organise le Turf Bowl. C’est une compétition nationale qui rassemble toutes les universités ayant un programme agronomique dans le pays. Chaque université envoie ses meilleurs élèves pour la représenter. J’ai eu la chance d’être sélectionné pour représenter les couleurs de Penn State. L’examen dure 3 heures et comporte des mathématiques, de l’identification d’insectes, de graminées, de maladies et de mauvaises herbes. Il y a aussi beaucoup de questions de nutrition, de produits phytosanitaires, biologiques et même des questions de management. C’est un énorme concours de connaissances !

Cette année, plus de 270 élèves étaient présents formant environ 70 équipes ! Mon équipe a terminé à la 4eme place nationale ! Et Penn State a roulé sur la concurrence en plaçant 3 équipes dans le top 5 ! C’est une opportunité rêvée de briller devant les plus grands superintendants du pays. C’est le genre de chose qui peut ouvrir des portes et/ou te faire décrocher un travail !

 

La fin de votre cursus universitaire arrive bientôt, quels sont les principaux enseignements que vous tirez de votre expérience à Penn State University ?

C’est difficile car il y a tellement de choses ! Je pense que ce qui m’a marqué le plus et ce qui fait la réussite de Penn State ce sont les professeurs. C’est tous des légendes dans leur domaine ici aux USA, tous les jours nous allons en classe et nous apprenons des meilleurs ! Par exemple, mon professeur d’identification de graminées, Dr. Huff, travaille et développe une nouvelle semence depuis 20 ans : le Poa Annua (annual bluegrass). Il l’a enfin rendu disponible sur le marché sous le nom de Penn Poa (“Penn” car il l’a bridée à Penn State). Il a remporté plusieurs prix pour son travail remarquable. Le message que je veux faire passer par là est que pour bénéficier de la meilleure éducation il faut faire les bons choix et s’entourer des bonnes personnes. Ici, Penn State met tout en œuvre pour que nous puissions côtoyer les meilleurs dans le but de nous aussi être les meilleurs dans l’industrie.

 

Avez-vous eu l’occasion de travailler dans des golfs aux EU ? Si oui lesquels ?

Après ma première année à Penn State, j’ai eu l’opportunité d’effectuer un stage de 6 mois dans un golf de mon choix. J’ai décidé de travailler au Philadelphia Cricket Club (PCC) en tant qu’interne. PCC est le Country Club le plus ancien des Etats-Unis (1854) avec 45 trous, une vingtaine de terrains de tennis sur herbe, une dizaine sur terre battue, du pickle ball, du padel etc. Une vraie usine à cash. PCC est aussi la référence nationale en termes de tondeuse automatique. Ils ont plus d’une quarantaine de robots qui tondes les roughs 24h/24.

Simon Wattier au Philadephia Cricket Club.

J’ai aussi eu la chance de travailler au golf numéro 1 au monde selon Golf Digest : le fameux Pine Valley ! J’ai effectué un stage pour la compagnie de construction de golf McDonald & Sons. Nous avons rénové deux greens en ajoutant Precision Air, un nouveau système qui permet d’aspirer l’humidité ou de souffler de l’air directement sous le green. Nous avons ensuite refait le système de drainage de deux approches et nous avons construit un nouveau bunker. Ayant déjà eu une expérience dans la construction auparavant je me suis tout de suite senti à l’aise. Quelle chance de travailler tous les jours dans un endroit où même les plus grandes stars n’auront jamais l’opportunité d’y mettre les pieds. Pour l’anecdote, même Tiger Woods n’a jamais joué sur ce parcours !

J’ai aussi eu la chance de participer au Players Championship en 2023 en tant que volontaire, nous étions plus de 200 greenkeepers ! J’étais chargé de l’arrosage des départs et des fairways sur le retour (trou 10-18). À travers les contacts que je me suis fait, j’ai aussi eu l’occasion de jouer les meilleurs golfs du monde comme Pine Valley, Cypress Point, Winged Foot, Cal Club !

Simon Wattier a eu l’occasion d’expérimenter le PGA Tour lors d’une mission de volontariat.

Qu’est-ce qui vous a particulièrement marqué aux Etats-Unis par rapport à la France en termes d’entretien des golfs ?

Je pense que la plus grosse différence est l’utilisation de produits phytosanitaires pour le traitement de maladies, mauvaises herbes, insectes etc. En Europe, les Superintendants seront totalement interdits de les utiliser en 2025, et la plupart sont déjà bannis aujourd’hui. Donc oui c’est “facile” d’entretenir un golf quand il n’y a pas de restrictions écologiques ! Je pense que la fédération et notamment Pascal Grizot font un superbe travail et vont dans la bonne direction sur l’utilisation de l’eau et de ces produits. Les choses bougent et il est important d’être prêt à agir. Il va falloir développer des nouvelles techniques agronomiques pour être capable de garder nos golfs en bon état et de proposer les meilleures qualités de jeu à nos membres. Mais je pense qu’il vaut mieux être en avance comme la France plutôt que de, peut-être, se faire surprendre comme les États-Unis.

Cela étant dit, le golf ici aux Etats-Unis est beaucoup plus développé qu’en France et les moyens mis en œuvre sont colossaux. J’ai travaillé dans des golfs avec une quarantaine de greenkeepers et des budgets annuels pouvant atteindre les 6/7 millions de dollars ! C’est donc difficile de comparer.

Je me dois de souligner aussi que la profession de greenkeeper est bien mieux valorisée ici. Nous sommes bien payés et nous avons accès à beaucoup d’avantages. Ce qui attire énormément de jeunes qui sortent du lycée ! Sans les greenkeeper, il n’y a pas de golf et les gens ne s’en rendent pas compte (donc relevez vos pitchs s’il vous plait !) Je pense que cela devrait commencer par nous appeler greenkeeper au lieu de jardiner. Un jardiner s’occupe d’un jardin, de fleurs. Un greenkeeper s’occupe des tontes, c’est est un mécanicien, un scientifique, un businessman, un golfeur, un manager et j’en passe. Tout ne se résume pas à juste “tondre la pelouse”.

 

Prochaine étape : Augusta National, qu’est-ce que ça fait de rejoindre un tel golf ? Quel poste occuperez-vous ?

Honnêtement je ne pense pas réaliser pour le moment. C’est difficile de s’imaginer que mon rêve d’enfant va devenir réalité dans un mois à peine ! Je vais avoir la chance de travailler durant Masters et même de jouer le parcours ! J’occuperais le poste d’assistant intendant en formation. Pour résumer, il y a le Superintendant qui supervise 3 assistants superintendant qui eux même forment des assistants en formation. J’espère pouvoir être exemplaire tout au long de mon année, non seulement pour des objectifs personnels mais aussi pour montrer une bonne image du greenkeeping français à l’international.

 

Quels sont vos objectifs après Augusta ? Un retour en France est-il à prévoir ?

Malheureusement mon visa va expirer en mars 2025 où il sera temps pour moi de rentrer en France. Le retour est encore flou pour moi, je pense soit travailler avec mon frère aîné et son entreprise Intograss ou soit postuler à un poste de Superintendant si l’occasion se présente !

 

Avez-vous un mot à faire passer à la jeune génération de greenkeepers français ?

J’aimerai leur dire plusieurs choses. Premièrement que j’ai vraiment à cœur d’aider et de conseiller ceux qui ont des questions. S’il y a une chose que je peux transmettre c’est d’avoir des objectifs professionnels et d’avoir le courage de les réaliser. Mon meilleur ami Simon Richalot et moi avons décidé de partir ensemble étudier à Penn State, ç’a été la meilleure décision de nos vies ! Un de mes patrons m’a dit un jour « personne ne pourra jamais enlever ton éducation », c’est pour cela que je conseille fortement à la jeune génération de greenkeepers de partir à l’étranger afin d’avoir la meilleure éducation possible dans le but de rentrer et faire évoluer notre magnifique industrie. Même si tu ne parles pas anglais, tu vas t’y faire très vite. C’est couteux, mais c’est un investissement enrichissant si tu te donnes les moyens de tes objectifs !

 

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Corentin RICHARD

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