Golf du Médoc : « Ici, c’est le jeu qui compte »

Catégorie : Pratiques

Avec ses deux parcours 18 trous, le Golf du Médoc fait partie des grandes infrastructures golfiques du Sud-Ouest. Sous la houlette de son intendant Yannick Viola, présent depuis sa création, l’équipe d’entretien veille au gazon pour qu’il soit le plus propice au jeu. 

Souvent classé parmi les plus beaux golfs européens, ce n’est pas un hasard si le golf du Médoc Resort a accueilli du 15 au 18 juin 2022 le championnat de France professionnel, de retour après 13 années d’absence. Ce retour symbolique devait obligatoirement se faire dans une des places fortes du golf français. Car depuis sa création, le complexe a toujours accueilli des compétitions professionnelles.

C’est en 1989 que le golf du Médoc, situé à moins d’une heure du centre de Bordeaux, est inauguré avec son parcours des Châteaux. Imaginé et conçu par l’architecte Bill Coore, le 18 trous s’étend sur 90 hectares. L’idée de l’Américain était de s’inspirer des links écossais, des golfs en bord de mer, au sous-sol sablonneux et imbriqués dans une nature préservée. Il a été élu meilleur parcours de France en 2014, 2016, 2017 et 2018 par les World Golf Awards. Deux années après son inauguration, le golf devient un 36 trous avec la création du parcours des Vignes (60 hectares), dessiné par le Canadien Rod Whitman. Les deux parcours offrent tous deux à voir aux golfeurs un paysage régional riche, mais leurs caractéristiques golfiques sont différentes. Le parcours des Châteaux, plus long, est plus propice aux compétitions tandis que le parcours des Vignes, bien que plus technique, est plus accessible car plus court.

Depuis 2007, l’entretien des deux parcours est géré par l’intendant Yannick Viola et son adjoint Frédéric Nalet. Avec 35 ans d’ancienneté au Médoc, Yannick Viola connait son golf sur le bout des doigts. Après un bac professionnel dans la viticulture à Saint-Emilion, il intègre le Golf Bordelais en tant que jardinier saisonnier pendant sept mois. Lorsqu’il revient de son service militaire, il gère les espaces verts de la ville de Libourne pendant deux ans avant d’intégrer le golf du Médoc en 1987 en tant que jardinier. Il participe à la création du parcours des Châteaux puis devient greenkeeper adjoint en 1995 avant de prendre les rênes de l’entretien en 2007. Pour gérer les quelques 150 hectares de parcours, l’intendant a à ses côtés une équipe de 14 personnes à temps-plein : 12 jardiniers dont 2 fontainiers, un mécanicien et son intendant-adjoint. Deux alternants en formation à Neuvic et Dunkerque complètent une équipe au sein de laquelle « toute le monde touche à tout », indique Yannick Viola.

Des travaux pour le jeu et l’entretien

Depuis sa création, le golf indépendant est la propriété des deux actionnaires principaux : Jérôme Seydoux (groupe Pathé) et Gérard Pélisson (groupe Accor). Son directeur, Vincent Paris, qui estime le nombre d’abonnés à 660 pour 25 000 green-fees annuels (dont 35 % d’étrangers), reconnait l’avantage d’avoir des propriétaires qui se soucient constamment de la qualité du jeu et n’hésitent pas à investir pour la garantir. Car, depuis 1989, le golf du Médoc a subi plusieurs vagues de travaux. Certains parce que l’évolution du jeu l’imposait, d’autres pour simplifier l’entretien.

Dans un sport où la distance des drives a considérablement augmenté depuis les années 1980, les parcours ont été allongés. Des départs ont été reculés voire créés tandis que certains obstacles, notamment les bunkers, ont été déplacés. A chaque modification effectuée sur les parcours, il a fallu l’aval de l’architecte créateur pour conserver sa signature. D’autres travaux d’entretien ont été réalisés, par exemple sur les roughs. Jusqu’en 2007, tous les roughs étaient essentiellement composés d’ajoncs, des arbustes de bords de mer acidophiles et pouvant atteindre une hauteur de 3m. Ils ralentissaient beaucoup le jeu et limitaient l’aération des fairways et des greens, créant ainsi des microclimats qui favorisaient les maladies. Dès qu’il a été nommé greenkeeper, Yannick Viola a décidé de tout broyer et de réensemencer avec un mélange de fétuques et de Ray-grass sur certaines zones. Certains roughs se sont enherbés de façon naturelle. Une grosse phase d’abattage/élagage a également été réalisée il y a 5 ans au niveau des fossés pour rouvrir le milieu. Plus récemment, le système d’arrosage a été remis à niveau. Un chantier de grande ampleur qui s’est étalé sur trois années pour un montant avoisinant les 2.5 millions d’euros.

Un arrosage refait à neuf

Le golf du Médoc est en totale autonomie au niveau de ses ressources en eau grâce à ses 4 lacs artificiels : les trois lacs du parcours des Châteaux représentent 105 000 m3 tandis que l’unique bassin du parcours des Vignes peut contenir 200 000 m3.
Le système d’arrosage a été totalement refait de 2016 à 2018 tout en conservant le golf ouvert. Les deux stations de pompage ont été changées. L’ensemble de la tuyauterie a été refaite sans trop d’impact sur le gazon grâce à une sous-soleuse. Afin d’avoir une meilleure homogénéité, le nombre d’arroseurs a été augmenté (passage d’une simple ligne à une architecture avec 2 à 3 lignes) et la triangulation améliorée.

Sur l’ensemble du golf, cela représente près de 1500 arroseurs. Pour s’équiper, le golf du Médoc a choisi 4 références d’arroseur de chez Toro : les Toro 690 d’une portée allant de 26,5 m à 33 m placés autour des greens, les Flex 35 (entre 12,8 m et 28 m de portée) et Flex 55 (entre 15,9 m et 30,5 m) et les T7 (entre 11,6 m et 16,2 m) placés autour des départs.

Chaque plateau de départ bénéficie de sa propre électrovanne afin d’avoir une irrigation différenciée selon l’emplacement à l’ombre ou non. L’irrigation des fairways et des greens est dissociée. En bordure des greens, les arroseurs sont placés en doublette dos-à-dos pour avoir un arrosage différencié. « Ici, c’est le jeu qui compte. Même si le fairway est un peu sec ce n’est pas grave », lance Yannick Viola.

Le drainage est aussi en cours de réfection depuis l’année dernière, à raison d’une moyenne de 3 trous par an.

Une image contenant herbe, extérieur, arbre, champ

Une image contenant herbe, extérieur, ciel, champUne image contenant herbe, extérieur, champ, uni

La gestion de l’arrosage est centralisée et pilotée via deux sondes placées sur les greens. Une station météorologique a été testée mais la solution n’a pas été retenue : « Si j’avais tenu compte des données de la station météo, je courrais à la catastrophe : les relevés locaux utilisés par la station ne tiennent pas compte de la nature du sol. Sans compter des coûts d’entretien importants », détaille l’intendant, pour qui « rien ne vaut la présence et l’expérience. »

Un entretien méticuleux…

Pour le regarnissage des greens, Yannick Viola utilise des agrostides stolonifères Piranha et Riptide de chez ICL. Les fairways et les départs sont, quant à eux, composés d’un mélange à base de 30 % de Ray-grass, 30 % de fétuque rouge traçante et 40 % de fétuque rouge semi-traçante. Les greens sont tondus de 3 à 4,5 mm selon la saison. L’été, la tonte est rehaussée pour éviter le stress hydrique et permettre à la plante d’avoir des réserves en eau. La hauteur des fairways va de 13 à 15 mm. De part et d’autre des fairways, le gazon est tondu à 4 cm de hauteur sur 3 m de large, puis à 10 cm sur une largeur de 8 m.

A l’approche des compétitions, l’entretien des parcours s’intensifie. Pour que la qualité du jeu soit la meilleure possible, la vitesse de roule et la fermeté des greens doivent être optimales. A trois mois de la compétition, de la fumure est répandue sur les greens en phase de pousse. S’en suivent des sablages répétés. Puis 15 jours avant la compétition, Yannick Viola et son équipe effectuent un top-dressing et des tontes répétées (jusqu’à 4 par jour) avec des machines équipées de Turf-groomer pour que les brins d’herbe soient le plus droit possible. Il obtient ainsi une roule de quasiment 4 m pour le championnat, alors qu’elle est de 3 m le reste de l’année. Après la compétition assez éprouvante pour le gazon, un décompactage est réalisé, suivi par une fumure adaptée.

Une image contenant arbre, sport, herbe, sport athlétique

… raisonné et respectueux de la biodiversité

Côté maladies, Yannick Viola constate des durées de risques étendues : le Dollar Spot peut ainsi survenir d’avril à octobre alors que la fusariose hivernale peut survenir dès fin septembre jusqu’en avril. Pour lutter contre le Dollar Spot, il a réduit le nombre d’arrosages d’avril à septembre et effectue des apports d’engrais fractionnés et réguliers. La refonte du système d’arrosage a aussi permis un meilleur contrôle de l’humidité, facilitant ainsi la lutte contre la maladie. Contre la fusariose hivernale, l’intendant a arrêté les apports d’engrais chimiques granulés, difficile à utiliser à très faible dose, dès la mi-octobre, les pics d’azote favorisant les maladies et notamment la fusariose nivale. Il fait passer le balai à rosée chaque jour sur ses greens et privilégie désormais à cette période les engrais foliaires riches en fer et sous forme liquide. « Il est beaucoup plus facile, selon moi, de limiter les apports d’azote en travaillant avec du liquide plutôt qu’avec du solide », ajoute-t-il.

Si l’intendant parvient à obtenir les résultats escomptés avec les produits actuellement autorisés, il est conscient que la future interdiction des produits phytopharmaceutiques en 2025 pourrait changer la donne. « Pour l’instant on est entre deux eaux. Nous avons encore des produits qui fonctionnent, mais moins qu’avant. Nous avons un manque de molécule. Les produits biologiques de substitution ne donnent pas entière satisfaction », précise-t-il. Prospectif, le greenkeeper n’a pas attendu l’horizon 2025 pour essayer des alternatives. « Nous testons des bactéries et des Trichoderma en biocontrôle, des algues en biostimulation mais ces produits sont plutôt utiles en préventif », détaille-t-il. « Je connais des jeunes qui sont allés dans le Zéro Phyto, ils n’en sont pas revenus », conclut le greenkeeper avec un sourire.

Yannick Viola n’a pas non plus attendu des directives pour prendre en considération la biodiversité au sein de son complexe golfique. « Depuis 15 ans je ne fais qu’une fauche par an sur les roughs. Sur le parcours, je dois avoir une centaine de faisans naturels et des couvées tous les ans », affirme-t-il. Il y avait aussi beaucoup de lapins et de sangliers, qui lui posaient pas mal de problèmes sur le parcours. Pour résoudre cela, ils ont employé les grands moyens : l’installation d’un cloture rigide de 7 km sur le pourtour du golf. Le golf du Médoc est d’ailleurs en plein audit pour obtenir le label « Golf pour la Biodiversité » de la FFG au niveau Bronze. Les résultats sont attendus pour octobre. Car si au Médoc le jeu compte, la biodiversité aussi.

Rédaction GSPH24

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