Coupe du Monde 2022 : Ce qui change pour les groundsmen français

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Pour la première fois dans l’histoire, la Coupe du Monde de la FIFA va se dérouler en novembre. Si le calendrier des joueurs et des clubs s’en retrouve bouleversé, celui des intendants de terrain l’est tout autant, offrant une trêve inhabituelle à cette période de l’année.

Alors qu’elle n’a pas encore démarré, la Coupe du Monde 2022, qui se tiendra au Qatar du 20 novembre au 18 décembre, a déjà essuyé d’innombrables critiques. Outre les enjeux écologiques et humains, vivement mis sur le devant de la scène, la question du calendrier a également fait débat. Les divers championnats nationaux ont dû adapter leur planning pour pouvoir rendre les joueurs disponibles entre novembre et décembre. Une trêve anticipée, voire inhabituelle pour certains clubs. Et qu’en est-il des intendants de terrain ? Car si le calendrier des joueurs va se retrouver bouleversé, il le sera également pour les pelouses et les personnes en charge de leur entretien. Après un été 2022 extrêmement difficile, il est légitime de se demander si cette trêve anticipée n’est pas une aubaine pour certains ou si, au contraire, elle dérange.

La Coupe du Monde débutera le 20 novembre 2022 au Qatar. La Ligue 1 sera en pause dès le 13 novembre et la Ligue 2 le 12 novembre afin que les joueurs puissent rejoindre leur sélection. La trêve hivernale s’étendra jusqu’au 26 décembre (Ligue 2) et 28 décembre (Ligue 1). Il y aura donc des rencontres entre Noël et le jour de l’An, donnant lieu à un « boxing-day à la française ». La trêve estivale quant à elle, sera raccourcie d’une semaine, car si la fin de saison sera sifflée 2 semaines plus tard que la saison précédente, le début du prochain exercice ne sera, lui, pas décalé…

Une trêve bienvenue pour certains…

Après un été particulièrement chaud et sec lors duquel plusieurs régions ont connu des restrictions d’arrosage, certaines pelouses sportives ont démarré l’exercice 2022-2023 avec beaucoup de difficultés. Ce fut entre autres le cas des pelouses de Troyes, Montpellier et Ajaccio. « La Coupe du Monde va arriver à point ! Pour la Corse, ça ne pouvait pas mieux tomber. Les nuits commencent à rafraîchir. A partir du 7 novembre je n’ai plus de match sur le terrain d’honneur, ce qui nous laisse un peu plus d’un mois pour faire repartir le terrain », s’enthousiasme le Head groundsman ajaccien, Logan Gouet. Et on peut le comprendre : la pelouse du stade François Coty a connu une succession de 5 maladies différentes cet été. Lui et son équipe vont profiter de cette fenêtre pour d’abord défeutrer et sabler le terrain avant de ressemer pour partir sur une bonne base.

Même son de cloche en Bretagne, du côté de Lorient, dans un contexte un peu différent. En plus des conditions climatiques difficiles, l’équipe d’entretien du Moustoir a dû composer avec la tenue du Festival Interceltique et a changé sa pelouse à la fin du mois d’aout. Mais avec l’enchainement des matchs, elle n’a été que très peu laissée au repos. « Même si la saison et le niveau d’ensoleillement ne seront pas optimaux, nous comptons donc sur cette période d’inactivité (2 grosses périodes de repos de 3/4 semaines puisqu’un match de N2 devrait se jouer au Moustoir le 26/11) pour pouvoir travailler la pelouse afin qu’elle passe sans encombre une deuxième partie de saison qui s’annonce elle aussi plutôt dense », indique Benjamin Escama, Stadium Manager des Merlus.

Le calendrier s’annonce plus clément avec le SM Caen, et le groundsman du stade d’Ornano, Quentin Planchard, se réjouit d’avoir une longue coupure pour pouvoir prendre soin de son gazon. « Je me retrouve avec un dernier match le 19 novembre avec les Espoirs et une reprise le 10 janvier. J’aurai deux mois sans match, ce qui va me permettre d’effectuer des travaux de régénération du gazon », indique-t-il. Le stade Michel d’Ornano a la particularité d’avoir une ombre-portée en forme de L l’hiver. Ce qui a pour conséquence une perte de densité importante dans ces zones ombragées où la température est plus basse. « Après novembre, c’est le plus compliqué, certaines zones se dégarnissent », confie Quentin Planchard. Cette saison, il aura deux mois pour faire face à une période habituellement difficile et avoir un terrain parfait pour le championnat.

A Paris, le stade Charléty qui accueille les rencontres du Paris FC, a opéré d’importants travaux sur sa pelouse cet été. Pour Matthieu Batista, le Grounds Manager du stade, « la trêve anticipée s’annonce salvatrice pour les terrains ». Neuf matchs se sont tenus à Charléty depuis la réfection de la pelouse entre les rencontres de Ligue 2 du Paris FC et celles de National du Paris XIII Atlético. Certains se sont même succédé avec un seul jour de repos pour la pelouse.

Du côté de Bordeaux, où l’été a également été difficile et les pelouses ont souffert, on sait déjà quelles opérations mécaniques seront réalisées durant la trêve. « Cette autre fenêtre de tir nous permettra d’effectuer des opérations telles que du rake, du regarnissage et des aérations. Toutes ces actions permettront de maintenir un terrain correct dès la reprise et de se prémunir d’un hiver comme d’un d’un printemps aux conditions difficiles à prédire », détaille le Head groundsman des Girondins de Bordeaux, Léo Raspilaire.

Trêve estivale raccourcie, marge d’erreur réduite

Après la compétition, le rythme sera effréné et les championnats s’achèveront quelques semaines plus tard que les saisons précédentes pour les groundsmen. Plusieurs d’entre eux s’inquiètent d’une trêve estivale raccourcie qui va leur laisser beaucoup moins de marge d’erreur lors des travaux de réfection. « Nous perdons deux semaines sur la trêve estivale. Nous n’aurons qu’un mois et demi pour effectuer les travaux, et cela peut jouer sur la qualité de la pelouse. La marge d’erreur est beaucoup plus restreinte », regrette Loïc Bodereau du Stade Rennais. « C’est effectivement susceptible de poser un problème puisque le scalpage annuel de fin de saison et le semis qui s’en suit seront retardés (d’autant plus pour les clubs comme les nôtres qui joueront leur dernier match à domicile début juin), ce qui pourrait avoir une incidence importante à la reprise avec un terrain trop jeune qui manquerait notamment de souplesse et de densité », ajoute son homologue lorientais.

Certains stades vont aussi devoir jongler entre le sport et l’Entertainment sur leur pelouse, ce qui va encore plus resserrer la marge de manœuvre estivale. « La particularité du Stade Charléty, c’est qu’il accueille beaucoup d’événements sur la pelouse pendant la trêve estivale, ce qui réduit les délais des travaux d’été. Donc plus le championnat finit tard, moins nous aurons de temps pour remettre la pelouse en état correctement pour la saison suivante », indique Matthieu Batista. Du 8 au 17 juillet se tiendront notamment les mondiaux de para-athlétisme, qui vont empêcher toute opération sur la pelouse pour les équipes d’entretien.

Pour les équipes de Sparfel, présentes notamment à Brest, Guingamp, Le Havre, Caen et Ajaccio, il va falloir s’adapter en termes d’organisation à cette trêve écourtée. « Nous étions un peu plus étalés les saisons précédentes. Il va falloir que nous nous organisions différemment durant cette coupure estivale plus courte pour les scalpages, le créneau est plus serré, nous n’aurons pas le droit à l’erreur », confie Sébastien Cottat, chargé d’affaires pour les terrains professionnels chez Sparfel, serein pour l’été.

Un boxing-day made in France

Tout comme la Premier League, la Ligue 1 et la Ligue 2 auront-elles aussi leur boxing-day. En effet, une journée de Ligue 1 et deux de Ligue 2 sont programmées entre Noël et le jour de l’an. « La permanence sur les terrains devra être maintenue ce qui nous oblige, nous intendants, à bien gérer les congés de fin d’année des équipes, pour assurer le suivi optimal des terrains durant ce « Boxing-day » » rappelle Léo Raspilaire.

Les rencontres se disputeront donc en plein cœur de l’hiver sur des terrains qui auront eu le temps de bien se reposer. Une période où les conditions de jeu et la qualité des pelouses seront principalement dictées par une météo imprévisible. « La météo fera l’arbitre au niveau de l’état des terrains durant les fêtes », lance Sébastien Cottat. Il ne reste désormais plus qu’à espérer que le spectacle hivernal ne se fasse pas au détriment d’une belle qualité de pelouse en deuxième partie de saison…

Corentin RICHARD

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