[Enquête] Entretien-maintenance des terrains de sport: l'enjeu de la performance – Episode 2

Catégorie : Pratiques

Quelle que soit la discipline, la pratique du sport professionnel implique des terrains durablement en bon état, autant pour offrir les meilleures conditions de sécurité aux utilisateurs que pour assurer le spectacle. Dès lors, l’entretien-maintenance revêt un enjeu stratégique. Pour répondre aux exigences du haut niveau, les propriétaires de terrains (publics ou privés) sont amenés à recourir aux services d’une société spécialisée. L’objectif de cette enquête est d’explorer les raisons d’un tel choix : externalisation des coûts, manque de moyens humains et matériels, considérations budgétaires… Suite de cette enquête avec cette semaine, un focus sur la clientèle des entreprises de maintenance.

Pour consulter la première partie, c’est par ici.

Pour consulter la troisième partie, c’est parici.

Partie II : la clientèle

Elle se compose de deux grandes catégories : les collectivités territoriales (parfois l’État directement, comme pour certains hippodromes) et les sociétés privées ayant reçu mandat d’exploitation d’installations sportives. Les sociétés privées propriétaires d’une enceinte sportive se comptent sur les doigts d’une seule main, puisqu’en football, seul l’Olympique Lyonnais se trouve dans ce cas. En rugby, on citera le Stade Ernest-Wallon, propriété de l’association des Amis du Stade toulousain. En hippisme, France Galop est propriétaire de l’hippodrome de Maisons-Laffitte, mais reste gestionnaire des autres hippodromes, qui sont propriété de l’État. Idem pour les golfs, qui appartiennent aux collectivités les accueillant.

Néanmoins, si l’immense majorité des terrains de sport engazonnés appartiennent à la sphère publique, une part très importante passe par la délégation de service public pour en assurer l’exploitation globale. Si bien que dans de nombreux cas, les sociétés prestataires contractualisent avec des entités de droit privé.

« On n’a plus trop affaire directement aux collectivités, acquiesce Jean-Michel Hurlus, directeur technique chez Terenvi. Depuis peu, Notre entreprise est liée par contrat directement avec la ville de Valenciennes, qui a repris la gestion du stade du Hainaut en direct, et nous a attribué le marché après appel d’offres. Pour le stade Pierre-Mauroy à Lille en revanche, nous sommes sous contrat avec Vinci Stadium (filiale du groupe de BTP qui exploite également plusieurs autres stades en Partenariat Public-Privé – ndlr).

Tous les clubs – de Ligue 1 et 2, de Top 14 et Pro D2 en rugby – sont des entités de droit privé (généralement au statut d’association sportive), qui bénéficient de conventions passées avec les collectivités pour pouvoir utiliser les terrains. En tant que propriétaires, Lyon en football ou le Stade toulousain en rugby font donc figure d’exceptions. Par intermittence, ce contexte administratif génère son lot de frustrations de la part des clubs, qui pour certains regrettent tout haut de n’être que simples utilisateurs. Et comme souvent, le modèle britannique est érigé en exemple à suivre : en Angleterre par exemple, les clubs de football professionnel sont généralement propriétaires de leur stade ; celui-ci constitue tout autant un actif du club qu’un outil de travail. Et d’aucuns expliquent par ce fait l’excellence britannique en matière d’entretien des gazons. De là à dire qu’en dehors de ce modèle, point de salut, il y a un pas que beaucoup se refusent à franchir :

« La Ligue 1 est en quelque sorte entrée dans une nouvelle ère, estime François Leroux, président du directoire de Sport International. Plusieurs collectivités se sont dégagées de l’entretien, afin de mieux pouvoir monter en compétence (dans l’entretien des gazons). »

Un marché relativement étroit

En l’état actuel des choses, le gros du marché de l’entretien régulier se situe sur ces stades de L1 et L2. De l’aveu même des représentants des prestataires, le golf, l’hippisme et même le rugby recourent moins naturellement à des prestataires extérieurs.

« Très peu de golfs externalisent l’entretien, les hippodromes idem, résume François Leroux. Du coup, nos interventions dans ce type d’enceintes concernent surtout les gros travaux de drainage et de régénération, si le matériel disponible en interne est en panne. »

En hippisme, France Galop gère en interne l’entretien des hippodromes dont il a la charge.

« ID Verde n’est sous contrat avec aucun hippodrome, nous sommes un peu étranger à ce monde… », reconnaît son P-DG Hervé Lançon.

Il semblerait que les possibilités de pénétration du marché de l’hippisme se limitent à des opérations ponctuelles de rénovation, telles que des scalpages complets, suivis de semis.

Le golf offre à peine plus de possibilités d’affaires récurrentes, avec des contrats d’entretien à la clé.

« Il nous arrive d’intervenir en golf sur des opérations spécifiques : décompactage, drainage, remise en état de bunkers, mentionne Jean-Michel Hurlus. Même si les golfs disposent souvent de leurs propres équipes , en particulier dans les réseau de golfs franchisés ».

Entre les golfs qui bénéficient de leurs équipes en interne, sous l’égide d’un greenkeeper lui-même subordonné au directeur du golf, et ceux faisant partie d’un réseau – Blugreen, Ugolf – les possibilités de contractualiser sont étroites pour les sociétés prestataires, mais non nulles. ID Verde revendique ainsi quelques contrats avec des golfs indépendants (Rouen, Étretat).

« Mais nous ne pouvons nous prévaloir d’un nombre de golfs équivalent à celui d’un UGolf », tempère Hervé Lançon.

Autre acteur présent en golf, le groupe Terideal – anciennement Tarvel – gère plusieurs parcours en délégation de service public, comme c’est le cas sur le Golf du Beaujolais.

Des moyens humains et matériels

Intuitivement, et pour faire suite aux aspects abordés précédemment (augmentation des exigences des utilisateurs, ainsi que des médias, en termes de qualité du gazon sur la durée), on en vient à se poser la question des moyens humains et matériels des propriétaires et/ou exploitants de terrains de sport. Il serait hypocrite d’éluder la question du degré de qualification des agents des espaces verts : ont-ils les compétences adaptées aux exigences du sport de haut niveau, foncièrement différentes de celles auxquelles doivent s’astreindre les professionnels du paysage ? Incidemment, ce point soulève celui de la formation (initiale ou continue) des jardiniers et intendants de terrains de sport. Très peu d’organismes de formation proposent des cursus réellement adaptés (on citera toutefois l’EA Tecomah, le centre de formation Golf de Neuvic, ainsi que le CFPPA des Flandres).

Se pose également la question des moyens matériels. Car ce qui vaut pour le personnel vaut pour les équipements : comme le soulignait Jean-Michel Hurlus, l’entretien d’un terrain de sport de haut niveau nécessite l’acquisition de matériel spécifique. La réalisation d’un décompactage ou de fentes de suintement exigent des moyens qui ne font pas partie de l’arsenal de base d’un service des espaces verts lambda. Est-il possible pour une collectivité d’investir dans ces outils qui, au regard de l’ensemble des espaces verts d’une commune, auraient une utilité relativement marginale ?

« Effectivement, il est moins aisé pour une collectivité d’investir dans ce type de matériel que pour une entreprise, qui aura plus de latitude pour amortir ces investissements », admet Jean-Michel Hurlus.

Et ce degré d’investissement devrait en toute vraisemblance rester sur une tendance haussière. Selon les professionnels du secteur, le budget annuel consenti par un club de Ligue 1 est compris dans une fourchette allant de 60 000 € à 200 000 €. Tant pour des raisons budgétaires que pour des questions d’images (la qualité des gazons faisant désormais l’objet de l’attention régulière de la presse, sans parler des possibles revenus prodigués par la Ligue Professionnelle de Football dans le cadre de sa Licence Club), les propriétaires et/ou exploitants sont légitimement tentés par le recours à un prestataire spécialisé.

« Les investissements nécessaires à l’entretien de terrains de haut niveau, ainsi que la tension médiatique qu’ils génèrent, justifient d’avoir recours à ces prestataires, sans oublier les contraintes de volume horaire qui leur incombent », ajoute Patrice Therre, gérant de Novaréa.

Ce que confirme Robert Jobard, Directeur général de Sportingsols :

« Un prestataire est plus malléable (qu’un service des espaces verts), et il est plus facile pour un propriétaire ou un exploitant de faire travailler une société privée pendant la période estivale [période qui correspond aux travaux d’intersaison en football et rugby, mais aussi aux congés et vacances scolaires ! – ndlr]. Notre mission est d’être au service des utilisateurs, avant, pendant et après match. »

Enfin, une délégation de service public pour un golf est aussi une façon pour une collectivité de déléguer un risque financier : à charge pour l’entreprise délégataire de faire en sorte que les objectifs en termes de recettes (green fee) soient remplis. Ce qui passe notamment par un entretien des parcours de golf satisfaisant la clientèle, connue pour être exigeante, bien que constituée pour l’essentiel de pratiquants amateurs…

redactionateprofield.com (Idir Zebboudj)

Pour consulter la première partie, c’est par ici.

Pour consulter la troisième partie, c’est parici.

Rédaction GSPH24

Visitez nos
autres sites