Emilio Vichera: "Trouver des solutions à destination des intendants"
Catégorie : Paroles d’experts
En prélude à la e-Green Golf Convention, qui débute ce jour, le Président de l’Agref nous présente les missions de l’institut Ecoumène Golf et Environnement.
Quel est l’objet de l’institut Ecoumène ?
Emilio Vichera : Ecoumène est un institut créé et financé par l’Agref. Il a pour but d’aider la filière à la mise en place des réglementations (lois, arrêtés, etx…) et de trouver des solutions au quotidien à destination des intendants. Cela passe notamment par des études et des essais, puisque depuis deux ans, Ecoumène est agréé BPE (« Bonnes pratiques expérimentales », agrément décerné par un organisme de certification, nécessaire pour l’habilitation à l’expérimentation – ndR).
De quels types d’essais s’agit-il ?
E.V : Par exemple, lorsqu’un produit de biocontrôle et même de synthèse, est en passe d’être mis sur le marché, il est nécessaire d’effectuer des tests obligatoires in situ au préalable. Ces études sont ensuite jointes au dossier de demande d’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché).
A ce titre nous contactons les firmes concernées pour leur proposer nos services sur des produits que nous avons ciblés et de les aider sur les protocoles à réaliser. Si les essais s’avèrent concluants, la firme peut alors formaliser sa demande d’AMM. Nous nous efforçons de balayer un large spectre des maladies les plus problématiques : fusariose et dollar spot notamment…
Outre les tests de produits, quels sont les autres axes de travail de l’institut ?
E.V. : Ecoumène se penche également sur le travail mécanique, ainsi que l’étude de nouvelles variétés de gazons, afin que les intendants disposent d’un éventail élargi de possibilités en fonction de leur situation géographique. Il est en effet obsolète d’utiliser les mêmes graminées de Dunkerque à Bonifacio. Nous avons à ce titre mené des essais de conversion de flore sur le Golf de Touraine (différentes fétuques, des agrostides, des raygrass…). Un autre essai a été effectué au Golf d’Ilbbaritz (cynodons, pâturins, fétuques).
Une des pistes prometteuses concerne les bermudagrass en plante en C4 (« warm season grass »). De très importants travaux de recherche leur ont été consacrés aux Etats-Unis. Ce sont des plantes très peu, voire jamais malades, peu assujetties aux bio-agresseurs. Elles sont également moins consommatrices en eau et sont résistantes aux températures élevées (leur température léthale est de l’ordre de 55°C). A contrario, ils observent des périodes de dormance plus importantes avec un arrêt végétatif entre 8 et 10 degrés et peuvent être ainsi colonisées par des herbes indésirables (entraînant l’emploi de désherbants sélectifs).
Enfin, nous travaillons sur notre logiciel de modélisation des maladies, Modège, qui devrait faire l’objet d’une plus ample présentation dans les prochains jours. Les modèles sont d’ores et déjà effectifs, mais nécessitent d’être alimentés en données d’entrées (d’où le partenariat avec Platform-Garden, dont nous parlions dans cet article – ndR). Cet outil sera mis à disposition des membres de l’Agref gratuitement en 2021.
Quel est votre point de vue sur les biostimulants ?
E.V : Il y a des pistes intéressantes, qui visent notamment à associer les biostimulants, les produits de biocontrôle et le travail mécanique et toutes les connaissances agronomiques. D’où la nécessité non seulement de tester ces produits alternatifs, mais également de former les personnels amenés à les utiliser. En effet, utiliser des biostimulants induit de mettre le travail mécanique, l’arrosage et une gestion agronomique en adéquation, afin qu’ils puissent agir à leur optimum.
Ecoumène s’intéresse-t-elle également au traitement des maladies par rayons UVC ?
E.V : Nous ne disposons d’aucun recul quant à l’utilisation de cette technique. En revanche, nous savons qu’elle rend les sols tout à fait stériles, son fonctionnement est de détruire ou de détériorer les cellules des microorganismes. L’autre crainte concerne les possibles mutations de l’ADN de ces micro-organismes vivant dans le sol. Même sur les substrats renforcés, il y a une faune et une flore microbienne, vitale au végétal.
Par conséquent, nous ne mènerons pas de tests sur l’utilisation des UVC, a fortiori parce que nous nous trouvons également confrontés à la problématique du changement climatique, qui entraîne la disparition d’espèces et l’apparition de nouvelles, qui s’adaptent à ces nouveaux climats.
Plus largement, Ecoumène est vigilant sur les possibles effets pervers de l’interdiction de produits phytopharmaceutiques, qui peuvent encourager certains détournements d’usages par le biais de techniques ou de méthodes pour lesquelles nous ne disposons pas du recul suffisant. Cela vaut pour les traitements aux rayons UVC, mais aussi pour les biocides et certains produits de biocontrôle, qui ne sont pas non plus que des produits anodins.
Idir Zebboudj